vendredi 12 décembre 2008

Lettre d'Arnaud Montebourg à tous les militants fondateurs du NPS

Dans les heures si difficiles du congrès de Reims, je me suis souvenu, lorsque beaucoup d'entre vous vinrent me voir sur mon banc de Saône-et-Loire, de ce Nouveau Parti Socialiste que nous avions bâti tous ensemble. C'était en 2003 après le funeste 21 avril 2002, nous avons lancé ce formidable mouvement de rénovation du PS avec Vincent Peillon, Benoît Hamon, et l'aide de vous tous.

Nous avions conçu ce mouvement comme un outil de modernisation du Parti socialiste, mais surtout de reconquête des classes populaires qui nous avaient quittées. Nous défendions les valeurs de la gauche que l'histoire nous avait léguées, tout en transformant ses positions au contact de l'évolution accélérée du monde. Ce fut un formidable élan, une aventure humaine passionnée, depuis la Sorbonne jusqu'à Fouras, en passant par la construction de nos positions sur la mondialisation, la 6e République, le choix du non au référendum sur le Traité constitutionnel européen qui triompha dans les urnes en 2005. Nous avons restructuré, sans le savoir, et plus qu'on ne le pense, en profondeur, le paysage de la gauche, et nous avons fait émerger ensemble une génération politique qui peut aujourd'hui dire avec fierté, parfois nostalgie, qu'elle a été de l'aventure du NPS.

Pour moi, cette histoire s'est brisée net au congrès du Mans, sur une synthèse sans consistance du Premier secrétaire de l'époque. Avec Christian Paul, Thierry Mandon, Karine Berger nous quittâmes la Commission des résolutions au petit matin avec l'humiliation d'avoir vu le NPS détruit et mes amis partis se diluer dans une direction que nous avions combattue. Cette synthèse fut considérée plus tard par Benoît Hamon lui-même comme trompeuse -il en démissionna-, et par tous aujourd'hui comme inutile ou condamnable.

Pendant ces années où nous nous sommes dispersés dans la solitude, j'ai, comme d'autres, là où nous nous trouvions, continué le combat de la rénovation, à ma manière. L'accord avec Ségolène Royal à la primaire de la présidentielle permit d'installer la 6e République au coeur de la confrontation avec la droite, au point que Sarkozy chercha à en imiter quelques unes de ses pièces détachées.

Après notre défaite sévère aux élections de 2007 face à la nouvelle droite sarkozyste subsistait, encore et toujours, la question irrésolue de la mutation nécessaire du parti que les dix dernières années avaient obstinément interdite.

Le NPS s'était dispersé, comme une sorte de diaspora séparée par des évènements qui nous avaient emportés. Nous échouâmes à nous réunifier à l'approche du congrès de Reims. L'expérience du Mans avait été certainement trop douloureuse et les leçons tirées de la présidentielle par chacun d'entre nous divergeaient. Mais reconnaissons aujourd'hui que chacun a cherché des alliés différents pour tenter de faire prévaloir nos thèmes communs et les faire gagner : Benoît Hamon avec Henri Emmanuelli, Vincent Peillon avec Ségolène Royal, moi-même avec Martine Aubry.

Le NPS a ainsi poursuivi de lui-même son chemin rénovateur... après sa propre mort ! Ce congrès de Reims, qui a beaucoup abimé l'image du Parti Socialiste, constitue paradoxalement l'aboutissement des combats que nous avons partagés.

Il est la victoire posthume de notre NPS : la poussée de Ségolène Royal qui a utilisé les thèmes rénovateurs, la percée de Benoît Hamon qui a porté les thèmes de la rénovation, tout comme l'alliance de mes amis rénovateurs et de moi-même avec Martine Aubry, ont toutes trois contribué aux bouleversements internes qui se déroulent sous nos yeux, mais dont nous n'avons pas encore mesuré l'ampleur.

Ces bouleversements ? Ce fut d'abord le désir exprimé par Martine Aubry de faire un nouveau Parti socialiste dans son premier discours de Première secrétaire. C'est ensuite le changement de génération au Secrétariat national et au Bureau national, en invitant les dirigeants des années 80 et 90 à transmettre les pouvoirs qu'ils tenaient à une génération nouvelle. C'est, enfin et surtout, l'arrivée massive de membres du NPS historique dans le Secrétariat national. Il n'est pas inutile d'en énumérer les noms qui vous seront familiers : Benoît Hamon, porte parole du Parti, Pouria Amirshahi secrétaire aux droits de l'homme, Bruno Julliard, secrétaire à l'éducation, Bertrand Monthubert, secrétaire à l'enseignement supérieur et à la recherche, Pascale Gérard, secrétaire à la formation professionnelle et à la sécurité sociale professionnelle, Charlotte Brun, secrétaire aux personnes âgées, au handicap et à la dépendance, Mireille Le Corre, secrétaire à la santé et à la sécurité sociale, Razzye Hammadi, secrétaire aux services publics, Régis Juanico, trésorier du Parti, Emmanuel Maurel, secrétaire en charge de l'université permanente et de l'université d'été du Parti, Christian Paul, président du Laboratoire des idées, Lucile Schmid, vice-présidente du Laboratoire des idées, Olivier Dussopt, vice-président du Forum des Territoires.

Enfin c'est l'installation au plus haut niveau du parti d'un Secrétariat national à la Rénovation, rattaché à la Première secrétaire, doté d'une feuille de route ambitieuse et inévitablement audacieuse : organisation de primaires nécessairement ouvertes, transformation des règles de démocratie interne, institutionnalisation des recrutements diversifiés (féminisation, rajeunissement, renouvellement aux couleurs de la France), rénovation de nos méthodes électorales pour gagner la présidentielle.

C'est enfin également la création d'un laboratoire des idées institutionnalisant les fonctions d'innovation politique au sein du PS dirigé par Christian Paul et Lucile Schmid. Un parti qui reconnaît qu'il a besoin d'idées et de propositions nouvelles est un parti qui crée les conditions inévitables du changement.
Tous les ingrédients sont rassemblés pour donner enfin le goût que nous aimons au socialisme. Le Parti socialiste est le seul parti que je connaisse dont les électeurs nous disent qu'ils votent pour lui à contre coeur, et non pas parce qu'ils l'aiment, mais parce qu'ils n'ont pas le choix.
Le moment est venu de mettre en application nos idées et nos exigences, si nous savons le saisir. Nous en avons, je crois, pour la première fois, les moyens.

Je voudrais surtout m'adresser aux militants NPS qui ont soutenu Ségolène Royal. Je compte parmi vous un très grand nombre d'amis, sincères et croyants, comme je le suis, dans la rénovation.

Ce congrès fut malheureusement d'abord celui de la lutte pour le pouvoir dans le Parti. Parce que nous avons toujours dénoncé les dangers extrêmes de la présidentialisation du Parti, nous aurions dû, si nous avions été sages par rapport à nos choix initiaux, nous tenir à l'écart de cette lutte dangereuse. Ces batailles rangées d'écuries ne sont pas les nôtres, car la priorité pour le peuple de France c'est que nous construisions un grand parti de toutes les gauches, que nous lui donnions un projet modernisé et crédible, plutôt que nous ayons l'aveuglement de nous entredétruire pour savoir qui sera chargé d'échouer au milieu de ces pitoyables divisions.

En référence à notre beau slogan que nous martelions à l'époque du NPS, « notre candidat c'est le projet », nous aurions pu dire dans ce congrès de Reims « notre candidat c'est le Parti », car après ces dix années d'immobilisme, de conservatisme, et d'opportunisme, il revient à notre génération de le reconstruire pour le sauver et non de prêter notre propre main à des luttes de personnes qui le font toujours descendre plus bas.

La présidentialisation du Parti mène tout droit à sa destruction ; nous en avons eu un sérieux avant goût ces dernières semaines ; et toute destruction du Parti interdira durablement sa rénovation, elle garantit surtout à l'UMP notre défaite inéluctable en 2012.

Voilà pourquoi tous les rénovateurs doivent se retrousser les manches et réunir leurs efforts pour faire naître ce nouveau parti à partir de l'existant, sans lequel nous ne pourrons pas gagner. Ce sont à la fois des idées nouvelles, des positions politiques nouvelles, des pratiques nouvelles, un cadre nouveau et des méthodes nouvelles pour sélectionner notre candidat à la présidentielle.

Le paradoxe serait que la guérilla engagée par certains pour le contrôle du Parti nous empêche de réaliser la rénovation pour laquelle nous nous sommes tant battus. Le plus triste serait que des rénovateurs consacrent leur énergie à interdire la rénovation qu'ils ont eux-mêmes souhaitée !

Voilà pourquoi, je vous lance un appel : Venez nous aider à construire le Nouveau Parti Socialiste, notre moment est venu.

Amitié fidèle à toute la diaspora du NPS.

Arnaud MONTEBOURG
Secrétaire national chargé de la Rénovation

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