On parle beaucoup aujourd’hui de l’« intégration ». Le mot s’impose dans les discours, souvent à sens unique : celui qui arrive doit se plier aux règles, se conformer, s’adapter. Et pourtant, l’intégration ne peut exister que si elle repose sur deux piliers indissociables : l’effort d’adaptation et l’art d’accueillir.
Or, dans notre époque troublée, qui rappelle parfois les crispations des années 30, le débat s’enlise. D’un côté, celui qui arrive veut garder une part de sa manière de vivre, ce qui est humain. De l’autre, celui qui reçoit se replie, sur la défensive, craignant que son quotidien soit bousculé. Ce double mouvement engendre tensions, incompréhensions, et finit trop souvent par un rejet mutuel.
Il est vrai que l’on exige beaucoup de celui qui frappe à la porte. On lui demande de se conformer sans que soient discutées les conditions d’accueil, comme si elles allaient de soi. Or, l’accueil est une responsabilité qui engage celui qui reçoit. Il ne s’agit pas de renoncer à soi, mais d’ouvrir un espace commun où chacun puisse trouver sa place sans s’effacer.
Fernand Raynaud l’avait bien résumé dans son sketch du boulanger : à force de dire « je ne veux pas de ceci, je ne veux pas de cela », on se retrouve seul… et sans pain. La métaphore reste puissante : une société qui refuse systématiquement l’autre finit par se priver de richesse, de vitalité, de pain au sens le plus concret.
Nous devons nous rappeller que la question sociale ne se limite pas à la redistribution, mais s’étend aux liens humains, aux solidarités vivantes. Dans nos campagnes, l’accueil n’a jamais été un luxe : il a longtemps été une condition de survie. Le voisin était celui qui pouvait prêter la main lors des moissons, partager ses outils, offrir une miche en attendant des jours meilleurs.
Aujourd’hui, face aux fractures et aux crispations, il nous revient de retrouver cet esprit. Accueillir, ce n’est pas renier ses racines, c’est leur donner assez de force pour partager leur sève. S’intégrer, ce n’est pas s’effacer, c’est apprendre à accorder son pas au rythme commun.
C’est dans cet équilibre – entre adaptation et accueil – que se construit une société durable, une communauté humaine qui ne cède ni à la peur ni au rejet, mais qui ose encore croire en la rencontre.